LES MISSIONS PRIORITAIRES DE L'UNION AFRICAINE:Un Conseil de paix et de sécurité pour régler les conflits (El Watan 25/05/2004)

Il ne s’agit pas d’une innovation en la matière puisque la défunte OUA (Organisation de l’unité africaine) y avait déjà songé et même activé en ce sens, mais davantage de la mise en place solennelle d’un organe de prévention, de gestion et de règlement des conflits en Afrique. A vrai dire, c’est le grand pari de l’Afrique tant le continent demeure la terre de tous les conflits, sans moyen d’y faire face.

Plus que cela, ces guerres de toutes sortes sont parfois attisées de l’extérieur et gérées à leur unique profit par des puissances extra-africaines. C’est pourquoi, le regard sera braqué aujourd’hui sur la capitale éthiopienne où l’UA (Union africaine) qui y a son siège, doit lancer son Conseil de paix et de sécurité, organe-clé de cette toute nouvelle organisation. Au moins, huit chefs d'Etat dont le président Abdelaziz Bouteflika, et de gouvernement africains prendront part à la cérémonie d'inauguration de cet organe, conçu sur le modèle du Conseil de sécurité des Nations unies, mais qui se heurte déjà à un manque de moyens financiers. Reprenant tout en les consolidant et les renforçant les prérogatives du précédent organe de gestion et de règlement des conflits qui existait sous l’ancienne OUA, le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'UA a «la responsabilité de mandater le déploiement de forces d'appui à la paix» dans les Etats où des accords de paix ont été signés, a expliqué le directeur du département pour la paix et la sécurité à l'Union, Sam Ibok. Il peut aussi «recommander» à la Conférence de l'UA, instance suprême de l'organisation qui réunit les chefs d'Etat et de gouvernement, le déploiement dans les pays membres d'une force militaire dans trois cas : génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité, selon les termes du protocole créant le CPS. L'UA montre ainsi sa volonté d'agir en Afrique sur le plan de la sécurité et d’aller bien au-delà des attributions de l'OUA, à laquelle elle a succédé en 2002 et qui était paralysée par sa politique de non-ingérence. Faute aussi et peut-être surtout des moyens, l'OUA avait par exemple été impuissante, comme les Nations unies d'ailleurs, à stopper le génocide de 1994 au Rwanda, qui a fait environ 800 000 morts selon l'Onu ou de régler les autres conflits comme au Libéria, la Sierra Leone par exemple, où il fallait à chaque fois attendre le déploiement de forces internationales sous l’égide des Nations unies, sans tenir compte parfois de l’urgence de certaines situations. Le CPS va être rapidement saisi de nombreux dossiers, puisqu'une dizaine de pays africains sont en guerre ou connaissent des rébellions, tandis que six missions de maintien de la paix de l'ONU sont déployées sur le continent. D'ici à 2010, il doit être doté d'une force de 15 000 hommes qui resteront stationnés dans leurs pays respectifs mais seront mobilisables à tout moment. Avec le CPS, «les dirigeants (africains) réaffirment ainsi leur engagement à prendre en main les problèmes de l'Afrique», a estimé le commissaire chargé de la paix et de la sécurité à l'UA, le diplomate algérien Saïd Djinnit. Le CPS, qui siège depuis le 17 mars, sera officiellement lancé aujourd’hui 25 mai, lors de la «Journée africaine» organisée 41 ans, jour pour jour après la création de l'OUA, à Addis-Abeba, siège de l'organisation panafricaine. Les chefs d'Etat et de gouvernement présents doivent signer une déclaration qui «attestera de leur engagement à assumer pleinement leurs responsabilités» en matière de paix et de sécurité. Enfin, ils étudieront à huis clos la situation dans trois pays ou régions d'Afrique en proie à la violence : la Côte d'Ivoire, le Darfour (ouest du Soudan) et la Somalie. Depuis sa création, l'UA a mené deux opérations d'ordre sécuritaire : au Burundi où elle a déployé depuis 2003 sa première mission de paix, composée actuellement de 2700 soldats venus de trois pays et qui passera le relais le 1er juin à une mission de l'ONU, et aux Comores où sont présents 58 observateurs. Elle a, en outre été chargée en avril dernier de diriger la commission de cessez-le-feu au Darfour, qui n'a toujours pas été mise en place. Avec autant d’attributions, la mission est claire. Elle est même ambitieuse, mais elle se heurte d'ores et déjà à un énorme problème d'argent. «Nous avons les personnes qualifiées, mais nous avons besoin d'argent et de soutien logistique», a reconnu M. Ibok. C'est la raison pour laquelle l'ONU va prendre le relais au Burundi. Pour l'année 2003, le fonds pour la paix de l'UA s'élève à 6,239 millions de dollars (5,228 millions d'euros), dont 1,950 million (1,634 million d'euros) proviennent du budget de l'UA et le reste de contributions de pays membres et non membres, à la tête desquels les Etats-Unis et l'Union européenne. Au regard des dépenses qui doivent être nécessairement consacrées au moins pour les besoins de la logistique, on ne manquera pas de relever combien ce budget apparaît dérisoire. A titre d’exemple, les missions de maintien de la paix de l'ONU en Afrique coûtent pour l'année 2003-2004, 2,3 milliards de dollars. Comment combler ce déficit ? Il est en effet bien simple de décrêter la fin des conflits , ou encore de les interdire, mais il reste que l’institution se heurte aux capacités limitées de ses membres. Il faut tout de même compter sur le sentiment de lassitude des populations africaines et des nouveaux mécanismes internationaux qui devraient tempérer les ardeurs de certains chefs de guerre.

Par T. Hocine


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