Paupérisation et développement en Afrique
(TchadForum 08/11/2004)

 

I. "La clameur de mon peuple..."

(Exode... )

Le président Ronald Reagan, faisant ses adieux aux États-Unis après son double mandat, déclarait à la face du monde que jamais l'économie des États-Unis n'avait été aussi prospère ! Au même moment, partout en Afrique et dans le Tiers-monde, monte le cri de désespoir de peuples innombrables écrasés par une crise économique aveugle, insatiable, implacable, lâchée comme une meute de chiens enragés sur nos peuples affamés, depuis bientôt trois ans.

On pourra nous dire sans doute que les économistes ont prévu la crise, et qu'ils peuvent aujourd'hui l'expliquer très savamment.

Je ne suis pas économiste, je suis seulement un homme du Tiers-monde, un fils de paysan africain, écrasé par la crise, et qui, joignant ma voix à celle de mon peuple, clame à la face du monde que nous refusons de mourir. Nous refusons de mourir sous le poids de cette crise qui fait la prospérité des uns et la misère des autres. Nous voulons savoir pourquoi, le monde aujourd'hui semble irrévocablement divisé en deux univers: l'univers du développement, de la richesse, de la prospérité, de la domination et du pouvoir, et l'univers du sous-développement, de la misère, de la pauvreté, des peuples dépendants, dominés et sans pouvoir. Nous nous demandons pourquoi celui là est l'univers des autres, et pourquoi celui-ci est notre univers à nous.

Voilà pourquoi je ne parlerai pas de DÉVELOPPEMENT. C'est leur univers à eux ! Je ne parlerai même pas de sous-développement, qui est le revers de leur médaille. Je parlerai seulement de notre univers qui est l'univers de la PAUVRETÉ.

II. Pauvreté et paupérisation.

La pauvreté révèle, de façon non déguisée, la structure profonde de la société humaine contemporaine face aux biens matériels. Cette structure est basée sur l'iniquité et la démesure. C'est malheureusement une vérité qui ne fait pas honneur à l'humanité: la totalité des richesses de notre planète est contrôlée par une poignée d'hommes qui représentent à peine les 20% de la population du globe, les 80% autres vivant dans la misère. Or, paradoxalement, c'est dans les pays riches que l'on parle le plus de la pauvreté. Ceux sont ceux qui possèdent qui désirent posséder davantage. Les États-Unis ont des Instituts spécialisés dans l'étude et la lutte contre la pauvreté1. Les publications de Rowntree (BS) et de Townsend (Peter) en Angleterre ! celles de Lionel Stoleru et d'Eliane Mosse en France permettent d'avoir une idée des campagnes lancées en Europe depuis plus de 50 ans contre la pauvreté aux multiples visages2. En Afrique, on a beaucoup écrit, on écrit encore beaucoup sur le Développement et le sous-développement. Ce qui est d'une manière de confirmer notre condition de peuples asservis et opprimés, sous la botte de nos maîtres de toujours. On écrit peu sur la pauvreté. L'ouvrage d'Albert Tevoedjere, (Pauvreté, Richesse des Nations, Paris, Edit. ouvrières, 1967), demeure unique en son genre. La récente crise économique a eu l'avantage de réveiller l'attention des intellectuels et responsables africains. Aujourd'hui, il n'y a plus un seul journal africain où l'on en parle. Ouvrons au hasard Le Messager (camerounais), du 22 février 1989, n°154, à la page 3, la badinage de Muyenga et Takala sur le trottoir est une autopsie sans pitié de la crise économique camerounaise. A la page 10, le long article consacré à l'ouvrage du Pr. Tchundjang Pouemi, est une analyse serrée de ce qu'on peut appeler la servitude monétaire de nos pays, et qui est l'un des nœuds de la crise actuelle3. Nous ouvrons au hasard, un autre hebdomadaire (béninois) : Échos d'Afrique. Son numéro 11 du 17 au 24 février 1989, soulève le voile sur un autre aspect de la crise africaine : la misère et le chômage dans les métropoles africaines4.

Ce sont là des refrains qui reviennent, presque chaque jour, dans la misère africaine. Le peuple vit tragiquement l'expérience de sa misère, et de son impuissance devant cette misère.

Voilà pourquoi il est urgent que chacun de nous s'interroge, en profondeur, sur cette misère et sur cette impuissance pour en déceler les causes et en démontrer les mécanismes, car la survie de l'Afrique est à ce prix.

Commençons par une approche, bien modeste, d'une définition de la pauvreté et de la misère dans le contexte africain d'aujourd'hui.

DÉFINITIONS. Les études sur la pauvreté que nous avons citées plus haut partent d'expériences vécues dans le contexte américain ou européen. Leurs définitions sont inaptes à rendre compte de la singularité des expériences africaines. La pauvreté dans ces pays d'abondance, est d'abord une tare qui frappe des individus, des familles, ou une certaine classe sociale. Elle est définie essentiellement comme privation et exclusion, privation de bien matériels jugés comme nécessaires ou utiles par rapport à la société d'abondance au milieu de laquelle on vit; exclusion des avantages sociaux et culturels qui sont l'apanage de l'homme moyen au sein de la même société.

Dans un tel contexte, le droit des individus, des familles, des classes sociales, ... à posséder ces biens matériels et à jouir des avantages sociaux et culturels n'est ni nié, ni aboli. Dans le même contexte également, la Société et l'État sont considérés comme riches et souverains dans leurs domaines propres.

La MISÈRE, dans ces sociétés-là, est une forme d'exclusion et de privation absolues. Elle est considérée comme un phénomène anormal lié soit à des catastrophes naturelles, soit à l'injustice sociale, à la désagrégation interne d'une société corrompue.

Dans les Sociétés d'abondance, le phénomène de la pauvreté et de la misère est lié à un certain nombre de facteurs dont les plus importants sont :

L'accumulation des biens et l'enrichissement comme norme de la vie économique de la société et de l'État.

La reconnaissance des droits fondamentaux de la personne humaine et d'une certaine liberté d'entreprise.

L'injustice et l'inégalité dans la répartition des biens.

A ces facteurs il faut ajouter :

La souveraineté et le pouvoir réels de l'État.

Une prise de conscience collective de l'iniquité sociale et une certaine mise en oeuvre de moyens appropriés pour y remédier.

Dans les pays du Tiers-monde et notamment en Afrique noire, la pauvreté affecte en premier lieu, les Institutions et les Structures. C'est l'État africain qui, dès son accession à l'indépendance, se trouve privé des attributs de la vraie souveraineté. En devenant indépendants, les peuples africains ont été pris au dépourvu. Non seulement on n'a pas demandé leur avis sur le modèle d'État qu'ils voulaient se donner à eux-mêmes, mais encore leurs leaders politiques se sont battus plus pour le pouvoir, - leur pouvoir -, que pour la libération de leur peuple. Ainsi l'État africain, dès sa naissance, est un instrument de domination, d'oppression, d'exploitation du peuple, qui est passé des mains du colonisateur aux mains des chefs politiques africains. Cet instrument est d'autant plus efficace qu'il est un appareil de paupérisation dont les mécanismes reposent sur deux principes :

Privation des instruments de la souveraineté.

Tissage d'un système de subsistance fondé sur la dépendance absolue.

Privation des instruments de la souveraineté : les nouveaux États n'ont pas d'argent, pas de système monétaire propre; ils n'ont pas de pouvoir militaire digne de ce nom; leurs armées sont formées et encadrées par des puissances étrangères; leurs armements, souvent désuets, fournis et contrôlés par les mêmes puissances. Ils n'ont aucune souveraineté économique. La production et la commercialisation des matières premières, ainsi que leurs prix de misère, leur sont imposés par les maîtres de l'économie mondiale. Quant à l'Industrie, c'est l'affaire des Étrangers.

Ces nouveaux États n'ont ni doctrine, ni idéologie politique. Des marchands d'un type nouveau, des marchands d'idéologies, leur en fournissent à des prix qui souvent, correspondent à un nouveau joug d'asservissement et d'exploitation imposé à leur peuple.

Ainsi sont nés nos États, dans un état de dénuement politique, économique, militaire, financier et idéologique. De tels États pour subsister, sont obligés de mendier ailleurs leur subsistance, forgeant ainsi de nouvelles chaînes de dépendance souvent aussi lourdes , aussi meurtrières que les chaînes coloniales.

Pour renforcer et perpétuer ces chaînes, les maîtres du jour ont inventé des mécanismes subtils et terriblement efficaces. Les premiers mécanismes sont de type moralisateur et philanthropique.

Après la charte de San Francisco d'une part et la fin de l'ère coloniale de l'autre, aucun peuple, aucun État ne veut apparaître sur la scène mondiale avec le masque du colonisateur ou de l'oppresseur. La pauvreté, la faiblesse et la fragilité sont des situations qui appellent la pitié, et la pitié est un sentiment noble dans toutes les civilisations et toutes les religions.

Les dominateurs du monde vont donc se donner un nouveau masque : le masque de la compassion. Ce masque sera soigneusement décoré aux couleurs de l'AIDE et de l'ASSISTANCE.

La compassion, l'aide et l'assistance sont désormais de nouveaux titres de noblesse qui légitiment l'emprise des grandes puissances sur les peuples pauvres, faibles et fragiles.

A vrai dire, nul n'aurait à redire si ces masques étaient authentiques et sincères. Malheureusement, ils cachent un autre masque nocturne et macabre, le plus efficace de tous, et qui est le masque de la CORRUPTION. Des États nés dans le dénuement sont livrés aux mains de :

"Commis

mis

Comme des princes Venus nus De leurs provinces !".


Des chefs d'États, de hauts fonctionnaires, des hommes politiques, devenus mendiants, sont vite transformés en marionnettes ou en toupies entre les mains des manipulateurs invisibles qui font tourner le monde. Les richesses fabuleuses de certains chefs d'État africains, sur lesquelles la presse mondiale ne cesse de gloser, ne sont souvent, hélas ! que de lourdes chaînes d'or aux pieds et aux mains pauvres otages qui se sont livrés eux-mêmes en livrant leurs peuples aux rapaces qui dévorent les entrailles du Tiers-monde.

PAUPÉRISATION. Si nous entendons par paupérisation le fait de devenir ou de rendre pauvre, il y a lieu de s'arrêter un instant sur l'approche que nous venons de tenter à propos de l'État africain.

Nous avons vu que la pauvreté, à ce niveau, affecte l'essence même de l'État, dans ses dimensions politique, économique, militaire, financière et idéologique. Dans la mesure où un tel État mendie à une des Puissances étrangères sa subsistance, ces Puissances ont le choix entre deux attitudes. Ou bien abolir les différentes formes d'indigence qui affectent l'État mendiant dans son essence, et lui restituer ainsi sa totale souveraineté, (l'histoire ne nous présente guère de tels exemples, de nos jours, dans le Tiers-monde); ou bien perpétuer, par des mécanismes subtils, cette multiple indigence et les liens de dépendance qu'elle tisse entre l'État mendiant et l'Etat-bon-Samaritain. Ce dernier peut alors recourir à des mécanismes de paupérisation qui tendent à maintenir le statu quo entre lui et son client.

On peut ainsi situer la paupérisation à deux niveaux :

Il y a le niveau de l'essence, de la structure, des Institutions de l'État. Ce niveau est dû surtout aux circonstances historiques de l'avènement à l'indépendance. Il est en grande partie un héritage de la colonisation. Appelons la paupérisation, à ce niveau, structurelle.
Il y a ensuite le niveau de l'Assistance. C'est le niveau du masque de la compassion. En fait, les mécanismes de paupérisation tendent à maintenir l'état de dépendance et de domination sous le masque de l'aide et de l'assistance. La paupérisation à ce niveau est pseudo-philanthropique.
Vient en troisième lieu, le niveau de la corruption. Il s'agit, en réalité, d'un système de pillage de peuples et de pays entiers par la médiation de prétendus chefs ou élites qui ne sont que des otages chargés de chaînes dorées. On peut appeler cette forme de paupérisation, corruptive.
La paupérisation la plus accablante est incontestablement celle de l'Endettement. C'est un système de réduction en esclavage de peuples et de pays entiers, condamnés à travailler pratiquement à perpétuité, pour un maître inconnu, soit-disant pour rembourser des dettes usurières, que le peuple n'a pas contractées, et cela à des peuples qui devraient rembourser à l'Afrique le prix de 100 millions de ses fils vendus à l'encan, et de cinq siècles de servitude et d'exploitation coloniale. Le système de la Dette est d'autant plus accablant qu'il s'agit de prêts avec intérêts, où la dette augmente de jour en jour, rendant le pays endetté chaque jour plus pauvre, plus asservi, plus accablé et pratiquement plus insolvable.
Le cinquième niveau est celui de la paupérisation culturelle. La totalité, ou presque, des États d'Afrique Noire, ont gardé intacte l'héritage colonial de la paupérisation culturelle. Dépouillés de leur passé, de leur histoire, de leur art, de leurs langues, de leurs croyances, de leurs systèmes politiques et économiques, les États négro-africains ont accédé à l'indépendance, au milieu des ruines de leurs sociétés en désarroi. Aujourd'hui encore, nos États se débattent dans un imbroglio scolaire sans racines dans le passé, sans prise sur le présent, sans horizons pour l'avenir.


Or, c'est cette forme de paupérisation culturelle que perpétuent les Accords et les Conventions culturelles, à coups de millions, de tonnes de manuels, et de légions de conseillers et d'assistants techniques au zèle souvent indiscret, trahissant sous le masque de l'Assistance une implacable oppression culturelle.

La paupérisation culturelle s'accompagne souvent du désarroi spirituel de communautés ou même de peuples entiers, ayant perdu l'héritage de leurs religions traditionnelles, convertis hâtivement ou superficiellement à des religions importées, elles-mêmes redoutables agents de paupérisation spirituelle. Il se crée ainsi un vide spirituel et moral vite exploité par les sociétés secrètes et les sectes... La secte à son tour fait de nouveaux otages gavés de promesses politiques et économiques, drogués d'illusions, parfois ivres de pouvoir, mais entraînés chaque jour loin de leur peuple, pour finir dans la cage verrouillée des loges ou des temples dits mystiques.

Paupérisation sociologique.

Pour mesurer toute la profondeur du mal, il faut se pencher un moment sur les sociétés africaines. Certes, la colonisation n'a tué ni la culture, ni les sociétés africaines. Elle les a dépouillées, avilies et gravement mutilées. Les sociétés africaines ont accédé à l'indépendance, ébranlées dans leurs fondements, peu sûres d'elles-mêmes, mutilées, fragilisées, appauvries.

La famille d'abord. La colonisation, puis les Missions religieuses, se sont attaquées à la famille africaine avec un acharnement aveugle. Le mariage, la parenté, les relations parents-enfants, les systèmes éducatifs, l'autorité, la solidarité,...toutes ces valeurs millénaires ont été minées. Aucune n'est sortie intacte du système colonial. Souvent, les institutions des États africains, après les indépendances, ont purement et simplement perpétué ou même aggravé la situation coloniale. Aujourd'hui la famille africaine est en pleine désagrégation non seulement dans les villes, mais même dans les campagnes.

Ni les codes modernes de la famille, bâtards issus du Code Napoléon, ni les mariages religieux, à l'orientale ou à l'occidentale, ne semblent capables de sauver du désastre la famille africaine attaquée dans ses racines les plus profondes.

La colonisation s'est attaquée avec la même rage, aux communautés villageoises. On a éliminé, systématiquement, les chefs détenteurs de vrais pouvoirs et consacrés par d'inattaquables légitimités. Les communautés ainsi décapitées ont été livrées à la merci de pseudo-chefs, agents irresponsables de la colonisation, véritables marionnettes entre les mains du colonisateur. Ils ont ainsi joué tous les rôles : négriers, tortionnaires, bourreaux, traitants, ils ont vidé des régions entières livrant aux travaux forcés ou aux plantations coloniales toute la population valide, mâle et femelle.

Sans doute, la famille africaine, et les communautés villageoises se sont défendues souvent avec l'invincible énergie du désespoir. Sans doute aussi, dans bien des cas, elles ont eu le dernier mot. Mais, elles sont sorties du combat profondément blessées, et la blessure, aujourd'hui, est devenue gangrène. Dans les quartiers de nos villes comme dans les villages, l'anarchie, la haine, la délinquance, la criminalité et la désagrégation des familles et des communautés portent le rôle déchirant d'une société blessée à mort, et qui refuse de mourir.

C'est sur ce champ de désolation que les indépendances politiques ont entonné l'hymne de la LIBÉRATION. Et les peuples africains, un moment, ont cru au miracle politique de leur résurrection. Après trente ans d'indépendance, le désenchantement est total. Les chefs d'État et les partis politiques malgré les discours révolutionnaires et les promesses mirobolantes, ont été précipités, impuissants, avec leurs peuples, sur le bateau fou de nouvelles servitudes. Sur la rive, les mains dans les poches pleines des dépouilles de nos peuples, les maîtres du monde, marchands d'idéologies ou rapaces endetteurs, regardent, bedonnants le bateau fou à la dérive, et l'on entend leur rire rauque et saccadé, se mêler au mugissement des flots déchaînés.

Paupérisation anthropologique.

L'analyse de la situation de l'homme en Afrique, aujourd'hui, du point de vue de ce qu'on appelle développement, nous conduit au constat de son état de paupérisation totale. Le phénomène de la pauvreté prend alors des formes totalement inédites dans les pays d'abondance. L'Afrique entre dans le monde moderne, dépouillée, affaiblie, faible enchaînée et mendiante. L'État indépendant africain offre le premier modèle de cette paupérisation absolue. La Société africaine offre un second modèle non moins désolant. On en arrive ainsi à s'interroger sur la condition humaine en Afrique. Comme nous l'écrivons dans une étude récente5 "l'analyse du contexte africain, à cause de sa singularité et de sa complexité, oblige à recourir à de nouveaux concepts, à de nouvelles catégories plus proches de la réalité vécue. S'agissant de l'esclavage et de la colonisation, on parle d'annihilation anthropologique. Il ne s'agit pas d'un génocide, car le Noir, à cause de sa force physique et de son aptitude au travail manuel, était une denrée recherchée et précieuse. L'annihilation anthropologique le dépouille de ses attributs humains, pour le réduire à l'état de bête de somme, pour l'instrumentaliser, le chosifier. Après les indépendances, c'est la pauvreté qui crée désormais un nouveau système de dépendance. Ce système pour fonder sa légitimité, en appelle à la solidarité internationale, à l'assistance, à la coopération, bref à tout un appareil philanthropique qui sert de couverture à l'appareil de domination".

Les mécanismes de paupérisation, disons-le tout de suite, ne s'attaquent pas seulement aux institutions et aux sociétés. Ils s'attaquent à la condition humaine comme telle. Le racisme sud-africain et l'apartheid qui est sa forme institutionnalisée, sont la négation de la dignité et des droits fondamentaux de l'homme à l'HOMME NOIR. Cette négation n'est pas un fait passé; elle est actuelle, triomphante, arrogante dans son impunité totale. Elle est même cautionnée et soutenue par ceux-là qui prônent la dignité et les droits fondamentaux de la personne humaine. Et elle affecte la RACE NOIRE comme telle, et non pas seulement quelques groupes ou quelques individus.

Il serait inexact de penser que la négation des droits de l'homme se cantonne dans la seule Afrique du Sud. L'Afrique des indépendances est aussi, hélas ! le lieu par excellence où les droits de l'homme sont foulés aux pieds de façon démentielle. Les pays qui claironnent le discours révolutionnaire le font, trop souvent, sur des monceaux de cadavres immolés à la soif de pouvoir de quelques individus déséquilibrés.

L'homme africain qui, sous le régime colonial, avait perdu son identité, sa langue, sa culture, son histoire, son héritage spirituel, ses droits fondamentaux et sa dignité, ne les a pas, toujours et partout, recouvré sous les Indépendances. Souvent même, il a tout perdu, biens matériels, attributs et droits fondamentaux de sa personne.

La pauvreté africaine n'affecte donc pas seulement la vie matérielle, sociale, voire politique de l'homme. Elle affecte la condition humaine dans ses racines les plus profondes et dans ses droits fondamentaux. L'homme vit dans un état de paupérisation anthropologique.

Voilà pourquoi la condition nécessaire de tout développement, en Afrique, doit commencer par la LIBÉRATION et la RÉHABILITATION de l'homme dans sa dignité et ses droits fondamentaux. Alors tout le reste lui sera donné par surcroît.

Notes

(1) Joseph TCHUNDJANG POUEMI : Monnaie, servitude et liberté, Paris, Éditions Jeune Afrique, 1979.

(2) Échos d'Afrique N°11, du 17 au 24 février 1989, page 5 : Métropoles africaines et chômage, et page 7 : Africains des villes, Africains des champs...

(3) E. MVENG, La Théologie africaine de la Libération...p.44.

(4) Maurice GUERNIER, La dernière chance du Tiers-monde, Paris, Robert Laffont, 1968, p.12.

(5) Paul VI (La Pape), Progressio popularum; trad. Sur le développement des peuples, Zaïre, Kinshasa, Lubumbashi, n°1, 6, 30.

http://www.geocities.com/academiafricana/pauperisationdvpt.htm

07/11/04